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L’habitation était déserte, vaste et vide, avec, dans ce vide, une étrangeté qui fit que Sutton, qui aurait dû être accoutumé à l’étrangeté, frissonna quand il la sentit l’envelopper.

Il resta un instant devant sa porte et écouta le murmure de la maison, la faible, illogique respiration de l’habitation, le craquement des poutres déformées par le gel, la caresse du vent contre une vitre, et des bruits qui ne pouvaient être expliqués ni par le gel ni par le vent.

Les tapis du corridor assourdirent ses pas tandis qu’il marchait vers l’escalier. Des ronflements venaient de l’une des deux chambres que Pringle avait dites occupées par lui et par Case, et Sutton se demanda un instant lequel des deux ronflait.

Il descendit l’escalier avec précaution, gardant la main sur la rampe pour se guider, et quand il atteignit l’énorme salle de séjour, il s’arrêta, restant immobile afin que ses yeux s’accoutument aux ombres plus noires encore qui y étaient tapies comme des animaux aux aguets.

Peu à peu, ces animaux prirent la forme de fauteuils et de canapés, de tables et de meubles, et il vit que, dans l’un des fauteuils, un homme était assis.

Comme s’il prenait conscience que Sutton l’avait vu, l’homme bougea, tourna le visage vers lui. Et bien qu’il fît trop sombre pour voir ses traits, Sutton sut que l’homme assis dans le fauteuil était Case.

Donc, se dit-il, l’homme qui ronfle est Pringle, bien qu’il sût que cela ne faisait aucune différence que ce fût l’un ou l’autre.

— Ainsi, monsieur Sutton, dit Case lentement, vous avez décidé de sortir et d’essayer de trouver notre machine.

— Oui, dit Sutton, c’est exact.

— Allons, voilà qui est parfait, dit Case, c’est comme cela que j’aime qu’un homme parle et dise ce qu’il pense. (Il soupira.) On rencontre tant de gens à l’esprit tortueux, reprit-il, tant de gens qui essaient de vous mentir. Tant de gens qui vous disent des demi-vérités et qui croient, ce faisant, être malins.

Il se leva de son fauteuil, grand, droit et raide.

— Monsieur Sutton, déclara-t-il, vous m’êtes très sympathique.

Sutton sentit le ridicule de la situation, mais en lui un début de colère glacée lui disait qu’il n’y avait pas là de quoi rire.

Des pas descendirent doucement l’escalier derrière lui et la voix de Pringle murmura dans la pièce :

— Ainsi, il a décidé d’essayer.

— Comme vous voyez, dit Case.

— Je vous l’avais dit, dit Pringle, presque triomphant. Je vous avais dit qu’il aurait vite compris.

Sutton réprima la colère qui lui montait à la gorge, mais sa colère demeura… une colère due à la façon dont ils parlaient de lui comme s’il n’était pas là.

— Je crains, dit Case à Sutton, que nous ne vous ayons dérangé. Nous sommes des gens qui n’ont pas le moindre tact et vous êtes susceptible. Mais oublions tout cela et passons à nos affaires. Vous vouliez, je crois, dénicher notre machine.

Sutton haussa les épaules.

— C’est à vous de jouer maintenant, dit-il.

— Oh, mais vous vous trompez, dit Case. Nous n’avons pas d’objection à formuler. Allez-y et dénichez-la.

— Ce qui signifie que je ne pourrai pas la trouver ?

— Ce qui signifie que vous le pourrez, dit Case. Nous n’avons pas essayé de la cacher.

— Nous vous montrerons même le chemin, dit Pringle. Nous irons avec vous. Cela vous prendra beaucoup moins de temps.

Sutton sentit une fine sueur perler sur son front.

Un piège, se dit-il. Un piège tendu, bien en vue et pas même encore amorcé. Et il y était tombé sans même regarder. Mais il était trop tard maintenant. Il n’y avait pas moyen de reculer.

Il essaya de donner à sa voix un ton indifférent.

— O-K., dit-il, je jouerai le jeu.